lundi 10 juin 2013

Souvenir non vécu du goût



"Je n'étais pas prédestiné à la pâtisserie. J'ai grandi dans les Vosges, avec huit frères et sœurs. J'ai eu une enfance très dure, des parents buveurs et violents. La cuisine était la dernière de nos préoccupations et on ne prenait pas de goûter. Mais tous les jours, je rêvais de flans, d'éclairs, de tartes au citron acidulées, comme autant de havres de paix et de douceur inatteignables. Je voulais posséder tous ces gâteaux que je voyais dans les vitrines embuées des boulangeries. Je ne les avais jamais goûtés, mais, curieusement, je savais le goût qu'ils avaient, ou plutôt, qu'ils devraient avoir  Envers et contre tout, malgré mon enfance pourrie, gâchée, j'ai réussi à sauver la part d'enfant en moi, pour recréer ces rêves.

Le flan, je n'en ai jamais mangé d'autre que le mien. Mais je l'ai toujours imaginé. Gamin, je me souviens observer des gens à l'arrêt du bus croquant dans un flan. Il y avait d'abord un crac, puis le moelleux fondant, je savais comment cela devait être. La tarte au citron, c'est encore un autre parcours. J'en ai mangé une fois, dans un resto. C'était mauvais. Je me suis d'abord dit, à quoi bon faire ça ? Et puis je me suis demandé comment le faire bien... Cela devait forcément pouvoir être bon, j'avais un souvenir "non vécu" de son goût. Ma mémoire fantasmée est ma mesure à moi."


Propos de Jacques Genin recueillis par Camille Labro pour M, le magazine du Monde, 7 juin 2013

lundi 20 mai 2013

Loose change



"As Lethbridge explains, the power to command a domestic staff enabled employers to gratify eccentric whims, pursue strange obsessions, or simply behave in a monstously selfish fashion. The cooking, dusting, cleaning and polishing were essential tasks, but overlaid by an accumulation of ritual and fetish that verged on the pathological. “Among the duties of lady’s maids”, Lethbridge writes, “was the nightly washing of their employer’s loose change, the coins having been handled by who knows how many undesirables before it made its way into her purse”. The Duke of Portland insisted that at all times a chicken should be turning on a spit in the kitchen, in case he became peckish. At Beech Hill Park in Epping Forest, “there was a hall entirely covered in mosaic that had to be washed with milk by hand every week by five maids; yet there was no telephone in Beech Hill and it was lit entirely by candles until the late 1940s”. This attachment to a labour-intensive culture, Lethbridge argues, helps to explain the resistance of the British to labour-saving devices. So long as there were maids to light the fire, why put in electricity or central heating?"



Recension de Servants, A downstairs view of twentieth-century Britain de Lucy Lethbridge (Bloomsbury, 2013) par Paul Addison dans le TLS du 8 mai 2013.

jeudi 18 avril 2013

Réseau du mode par défaut



L'activité au repos du réseau par défaut (RD) présente la particularité de diminuer dès lors que le sujet réalise n'importe quelle tâche cognitive. Autrement dit, le RD se "désengage" lorsque le sujet réalise une action avec un objectif spécifique, tandis que l'activité des réseaux liés à une tâche diminue. Les activités de ces réseaux et celle du RD sont "anticorrélées", variant en sens inverse.

Le RD serait associé à des activités mentales d'introspection, de référence à soi. Il serait également lié à la capacité de construire des simulations mentales basées sur des souvenirs autobiographiques, les expériences présentes, mais également sur des projections dans le futur. "Cette projection de soi par anticipation serait un élément-clé de l'activité cérébrale au repos. Le RD interviendrait dans l'élaboration de scénarios mentaux visant à imaginer ou planifier le futur, comme lorsqu'on se voit déjà se prélasser sur une plage en pensant à ses prochaines vacances d'été. Le RD pourrait également être requis lorsqu'on imagine des situations alternatives, qu'elles soient réalistes ou fantaisistes", déclare Gaël Chételat, directrice de recherche au CHU de Caen.

De même, l'activité du RD serait sollicitée pour notre capacité à comprendre les états mentaux d'autrui. Autrement dit, à voyager dans la tête des autres. Enfin, l'activité de régions-clés du RD apparaît corrélée à la fréquence des rêveries diurnes, ces moments durant lesquels on se perd dans ses pensées.

Selon le professeur Andreas Kleinschmidt, neurologue aux Hôpitaux universitaires de Genève, notre cerveau passerait son temps au repos à évaluer de nombreuses hypothèses concernant une situation qui pourrait se  produire dans le futur. "Il s'agit d'un processus dynamique et évolutif, qui n'arrête pas de tourner. Selon nous, le cerveau cherche constamment à rétablir un équilibre entre les mondes intérieur et extérieur, ce qui sous-entend qu'il nous permet d'éviter les mauvaises surprises en faisant des hypothèses sur l'avenir".
Ainsi, poursuit-il, "lorsque nous sommes au volant de notre voiture, notre cerveau n'arrête pas de mettre à jour des spéculations qui nous préparent à nombre de situations qui pourraient se produire", comme anticiper que la voiture qui nous précède tombe brusquement en panne ou qu'un animal traverse subitement la route. Si cela devait se produire en réalité, nous serions à même de réagir rapidement.
Pour le professeur Maurizio Corbetta, de la Washington University School of Medicine, "cette activité spontanée est une façon de garder opérationnels des processus qui peuvent servir. Cela prend moins d'énergie et cela va plus vite de garder un ordinateur avec tous ses programmes en mode veille, mais actifs, que de le rallumer à chaque fois quand vous faites quelque chose".



"Que fait le cerveau quand il ne fait rien ?". Marc Gozlan. Le Monde, 21 mars 2013

lundi 25 mars 2013

Le rameau de Salzbourg




Stendhal,  "Le  rameau   de       Salzbourg", fragment  additionnel  à    De   l'amour